Dans une carrière, certains événements vous font réfléchir à vos valeurs, aux alliances et schémas relationnels que vous avez pu mettre en place avec votre ligne managériale, avec vos réseaux. C’est le cas d’une personne que j’ai accompagnée. Ensemble nous avons traversé le processus du coaching individuel avec la méthode que j’ai développée : le dessin à dessein. Une approche d’exploration par une métaphore pour découvrir les zones cachées, voire aveugles de la pensée (pour aller plus loin : cf Joseph Luft et Harrington Ingham). Un pas de côté pour aborder un problème que nous ne pouvons pas attaquer de front, tant il nous semble terrifiant.
Avec son accord, je vous partage les apprentissages de mon client ; une fable à deux voix pour lui permettre de trouver sa voie. Pour des raisons de déontologie du coaching, son identité restera strictement confidentielle. Décollage immédiat vers l’Asie à la rencontre du Rhinocéros à une corne.
Toute demande de coaching commence par un élément déclencheur. Ici il s’agissait de la préparation d’un examen. L’année dernière, la première tentative s’était soldée par une réaction de sidération devant le jury, suivie d’une fuite. Rester figé de surprise et de peur tel un lapin pris dans les phares d’une voiture et fuir sont des réactions bien connues des psychologues face à un danger (réel ou pas). Ce concept, qui fait partie des 5F, a été notamment théorisé par les évolutionnistes et le physiologiste Américain Walter Bradford Cannon. Si elles ont permis à l’être humain de faire face à des dangers réels pour éviter de se faire dévorer à la Préhistoire, dans une entreprise ou toute autre organisation sociale, elle peut entraver la collaboration.
Cette situation n’était jamais arrivée durant les 20 années d’expérience professionnelle de cette personne. Elle avait passé deux ans à préparer cet examen. Quelles solutions allait-elle trouver pour rester en mouvement et ne plus être bloquée dans son corps pétrifié, en état de sidération devant le jury ? Comment allait-elle mobiliser son énergie pour réussir plutôt que de prendre la fuite.
Dès le premier rendez-vous, la métaphore d’un rhinocéros avec un oiseau piqueboeuf à ses côtés s’invite dans notre échange.
Qu’est-ce que le rhinocéros a à nous apprendre ?
Présent : impossible pour lui de passer inaperçu tellement il est massif. Après l’éléphant, il est le mammifère terrestre le plus imposant d’Asie ! Disparaître et pour se cacher dans un trou n’est pas une option envisageable ! Il est au milieu de la pièce et ne pourra pas détourner le regard de ses interlocuteurs par une pirouette rhétorique. Comment affrontez-vous les situations de peur et de danger face à vos interlocuteurs ?
Tentez-vous de déplacer le regard vers l’objet de la conversation ? Cette stratégie de diversion peut être utile, mais ne vous permet pas de prendre pleinement part à la situation et à la production collective en mettant en avant vos connaissances, vos compétences et votre personnalité. De quoi avez-vous besoin pour vous sentir en sécurité et prendre pleinement votre place au milieu de la pièce ?
Comment dépassez-vous la peur de l’échec et du jugement ? Quelles sont les émotions qui émergent ? Face à la peur de l’humiliation, la dévalorisation peut faire office d’auto-sabotage. Quitte à échouer, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Comment pourriez-vous vous y prendre du mieux possible pour échouer ? Que vous autorisez-vous à faire pour réussir ?
Le rhinocéros a un message pour nous : pour être présent et apporter votre contribution, soyez présent à vous-même. Accueillez vos émotions (positives comme négatives), reconnaissez votre identité et votre unicité pour assumer d’exister, suspendez votre jugement vis-à-vis de vous et de votre prestation, et prenez pleinement votre place dans le système sans crainte de gêner ou de générer désaccord et conflit. Bien qu’il soit massif et qu’il en impose, le rhinocéros affiche une grande légèreté quand il se libère de son poids en osant être lui-même. Ainsi, en évitant les non-dits, il s’intègre pleinement au collectif et trouve sa place avec assertivité.
A l’écoute : si ces oreilles sont très petites par rapport au reste du corps, elles n’en sont pas moins efficaces. Cet animal peut être jugé comme craintif, en réalité il est dans l’hyper vigilance, cela signifie qu’il a toutes les capacités à se défendre et charger en cas de besoin pour affronter une situation dans laquelle il devra défendre ses intérêts. Quand le fruit de votre travail n’est pas reconnu ou qu’il est remis en question, comment vous comportez-vous ? Tombez-vous dans l’impuissance face à un système écrasant ? Osez-vous la spontanéité pour poser de manière objective ce que vous avez concrètement réalisé ? En prenant le temps de s’aligner, d’ajuster son comportement avec ses pensées et ses émotions, le rhinocéros trouve l’énergie et la confiance en lui pour maîtriser son terrain de jeu. Il sait que chaque situation, chaque rencontre sera un jalon vers le chemin que seul et lui seul aura décidé d’emprunter.
Le rhinocéros a un message pour nous : quel que soit le résultat, pour chaque défi qui se présente, c’est déjà gagné ! C’est une étape de passage qui permettra d’évoluer vers une nouvelle étape, quoi qu’il en soit. Le rhinocéros a pris conscience qu’il ne va plus subir l’organisation, que le champ des possibles est vaste et s’accorde de prendre le temps de réfléchir à ce qui l’appelle. Il fixe ses priorités en dissociant l’urgent et l’important et questionne ses aspirations profondes, jalon après jalon.
Coopératif : s’il sait marquer son territoire et ses limites vis-à-vis de ses congénères, le rhinocéros est loin d’être un solitaire. C’est un animal sociable qui se découvre des compétences relationnelles fortes avec le pique-bœuf. Cet oiseau le débarrasse au quotidien des parasites et le raccourci serait facile de dire que le rhinocéros est dépendant de son compagnon à plumes. Que nenni ! La parité est de mise. Si le pique-bœuf libère le rhinocéros des parasites et d’autres problèmes qui pourraient l’empêcher d’avancer paisiblement, n’oublions pas qu’il ne pourrait pas vivre sans cette nourriture abondante et providentielle servie sur un dos large et robuste ! La parité et le principe de non-dépendance sont de mise. Le rhinocéros comme l’oiseau évolueront tôt ou tard vers de nouvelles aires de jeu, ensemble ou séparément. Leur pacte de fonctionnement n’est pas figé, il sera amené à évoluer. Le rhinocéros n’est en aucun cas soumis à écouter et accepter en permanence ce que son serviteur lui chante à l’oreille. Il connait ses propres envies, ses limites et sera le seul à décider vers quel pâturage il souhaite se diriger.
La morale de l’histoire selon le rhinocéros à une corne : « Ton avenir, c’est toi qui le dessines, plusieurs chemins vont se présenter à toi en fonction des rencontres que tu vas faire. C’est à toi et toi seul que revient le choix de la voie que tu as envie d’emprunter. Prends le temps de décider celui qui te mettra en route vers ce qui est réellement important à tes yeux ».
Quand le système n’est pas capable d’entendre ou de permettre au rhinocéros d’écouter ses aspirations profondes, le problème n’est pas l’animal, mais l’environnement dans lequel il se trouve. Les solutions les plus radicales ne sont pas toujours les meilleures, ni les pires. Il n’est pas forcément nécessaire de s’exiler très loin, ni d’attendre sur place un changement providentiel pour retrouver un nouvel équilibre épanouissant.
Le coaching est un processus de co-création dans une relation de parité où le coaché est autonome et responsable du cheminement et des solutions qu’il décidera de tester. Face aux injonctions et aux solutions toutes faites, il n’apporte pas de réponse, il apporte des questionnements dans un cadre et avec un pacte de fonctionnement précis et contractualisé en amont au service des objectifs du coaché, avec l’appui de sa ligne managériale.
En s’alignant tête - cœur – corps (pensées, émotions, mouvement) le rhinocéros n’a ni à être craint, ni à craindre les autres. Il se reste fidèle à lui-même, persévérant dans son action pour atteindre ses objectifs.
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