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Challengeons nos croyances sur le handicap et la mobilité 🦮

Une des transformations qui a connu un coup d’accélérateur avec la Covid-19 est la prise en compte du handicap. Pour la première fois, certains d’entre nous ont éprouvé des difficultés dans les tâches les plus simples du quotidien, de manière plus ou moins temporaire.

Le télétravail a grandement facilité les choses, mais pour autant, il est rarement total et ne supprime pas complètement la question des déplacements des personnes en situation de handicap (temporaire ou permanent).

J’ai rencontré Laetitia Monrond, Directrice de l’Accessibilité du Groupe SNCF pour échanger sur ce sujet qui risque tous de nous concerner à un moment où un autre de notre vie.


👉🏻 Laetitia, de quoi s’agit-il quand on parle de handicap ? A partir de quand sommes-nous concernés ?

« La définition Européenne du handicap issue de différents textes réglementaires précise que ce sont toutes les personnes qui, d’une manière ou d’une autre, sont gênées dans leur mobilité. Cette définition est donc très large et axée sur une notion de difficulté à se déplacer. Cela va donc beaucoup plus loin que le handicap physique visible, les défaillances visuelles ou auditives".


👉🏻 Peux-tu nous expliquer ton rôle dans l’organisation SNCF ?

« Depuis 2020, la Direction de l’Accessibilité du Groupe SNCF est rattachée à SNCF Réseau. Une évolution souhaitée par le législateur, en application du nouveau pacte ferroviaire, pour intégrer tous les transporteurs (y compris les concurrents de SNCF) dans les instances de concertation.

Nous avons une double mission :

📍 Conseil – expertise auprès de l’ensemble des acteurs qui permettent l’accessibilité du système ferroviaire (y compris en dehors du groupe) et concertation avec les associations.

📍 Coordination de tous les acteurs d’accessibilité à l’intérieur du groupe SNCF »


👉🏻 Y a-t-il des handicaps pour lesquels il est plus évident, facile ou plus difficile de trouver des solutions en matière de mobilité ?


« Handicap moteur 👨‍🦽

Quand on parle de handicap, il est plus évident de penser au fauteuil roulant, car c’est l’objet le plus difficile à faire monter dans un train. La hauteur des quais n’est pas forcément la même partout. Un grand programme d’investissement d’uniformisation des hauteurs de quais en France a été lancé, pourtant la hauteur de plancher des matériels roulants diffère également. La gestion des lacunes horizontales et verticales à l’interface quai - train est vaste et complexe à instruire pour permettre l’accessibilité en toute autonomie.

La question du handicap physique est particulièrement difficile à mettre en oeuvre car les réponses connues aujourd’hui nécessitent du gros œuvre en gare et des aménagements de trains assez lourds (modification de l’aménagement intérieur des rames : sièges, toilettes). Modifier les trains n’est pas plus facile car un train a une durée de vie moyenne de 40 ans et les critères d’accessibilité évoluent constamment.


Handicap visuel 👩‍🦯

Le repérage et l’accès à l’information sont les deux aspects à prendre en compte. Selon la loi, toute information sonore doit-être doublée visuellement et réciproquement. Dans les faits, c’est rarement le cas et techniquement quasi infaisable dans certaines gares.

En termes de signalétique et d’orientation, dans les gares, il existe différentes solutions : les bandes de guidage pour les personnes se déplaçant à la canne, dans les grandes gares des balises sonores se déclenchent pour les personnes équipées d’une télécommande (la même télécommande qu’utilisent les déficients visuels pour les passages piétons en ville).

Ce que nous n’avons pas encore résolu aujourd’hui est le repérage des portes du train. Des expérimentations existent. Un des enjeux sur lequel nous travaillons, sans réussir à aboutir aujourd’hui est le guidage indoor dans les gares. En effet, les problématiques d’interférences sont fortes. Gares& Connexions travaille sur une solution de guidage tous clients avec une expérimentation spécifique à Lille pour les déficients visuels. La difficulté réside dans le choix de technologie. Nous aurions besoin que l’Etat prenne le lead pour définir une norme technologique afin de faire converger tous les acteurs de la mobilité et faciliter la compatibilité des différentes solutions de guidage. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et nos clients se retrouvent avec une multiplicité d’outils qui ne communiquent pas entre eux. Un premier pas serait de commencer à l’échelle de l’Ile-de-France avec IDFM pour faire converger SNCF Transilien, RATP, et les acteurs des transports urbains.


Handicap auditif 🦻

Les personnes sourdes disposent des informations visuelles.

La plus grande difficulté pour les personnes sourdes et malentendantes, c’est d’être informé en cas de situation inhabituelle inopinée. S’il n’y a pas de système d’alerte lumineux, ces personnes ne reçoivent pas l’information. Nous avons développé une fonctionnalité d’assistant visuel, disponible dans SNCF Connect. Cette fonctionnalité peut être activé par tous et permet de recevoir en temps réel des alertes textuelles sur son téléphone concernant les événements de son train. Ça fonctionne aussi très bien pour les personnes qui écoutent la musique ou qui s’endorment dans leur train et qui ratent les annonces du chef de bord 😉. (Pour en savoir plus sur les solutions proposées par SNCF :https://www.sncf.com/fr/offres-voyageurs/voyager-en-toute-situation/accessibilite)


Handicaps invisibles 😅

Lorsque le handicap n’est pas visible, la prise en charge de la priorité n’est pas toujours évidente ni au regard des autres clients, ni des prestataires, ni des collaborateurs. La priorité est souvent associée à un handicap physique. Or ce n’est absolument pas le cas. Il existe des initiatives hors SNCF des dispositifs comme HandiLight, un système de badge pour signaler son handicap et faciliter l’accès aux services adaptés et à la priorité.


La Direction de l’Accessibilité est partenaire des HandiTech Trophy qui récompensent des start-ups, des chercheurs développeurs d’applications pour faciliter le quotidien des personnes ayant un handicap. Nous récompensons les initiatives liées aux mobilités.

Il est difficile d’aboutir sur le sujet des handicaps invisibles car tout dispositif pour faciliter l’accès aux services adéquats rend le handicap visible. Or les personnes concernées n’ont pas forcément envie de le rendre visible de peur que cela devienne stigmatisant.


Handicapé mais pas en situation de handicap et vice versa 😬

On peut être porteur d’un handicap et totalement autonome sur ses trajets du quotidien et à contrario habituellement valide et avec une jambe dans le plâtre.

Indépendamment du type de handicap et de son aspect visible ou invisible, la plus grande difficulté dans toutes les solutions de prise en charge est comment rassurer le client sur le fait qu’on ne va pas l’oublier, que sa prise en charge sera bien réalisée, qu’elle soit programmée ou pas (par exemple en cas d’incident). »


👉🏻 Quelle est la place des nouvelles technologies dans la prise en compte du handicap ?

« Les applications offrent des solutions relativement plus légères à développer. Nous évoquions précédemment l’option « mon assistant visuel » dans SNCF Connect. En Ile-de-France, il existe également l’application AndiLien qui permet aux personnes en situation de handicap, à tout moment, d’entrer en contact avec un agent SNCF pour demander une assistance par téléphone, SMS ou en physique.


Comme toutes les entreprises, nous avons l’obligation d’avoir nos sites et applications accessibles aux différents types de handicaps. La simplicité des informations, le taux de contraste et le design adapté aux lecteurs d’écrans est pris en compte dès la conception de nos solutions numériques. Lorsque cela n’est pas suffisant, comme ça a été le cas pour SNCF Connect, des développements complémentaires sont réalisés pour adapter les outils digitaux.


Concernant le guidage indoor (en gare), le choix technologique a un fort impact sur l’offre. Il existe 2 écoles :

📍 Opter pour un système de guidage par balise avec le sujet du positionnement et de la maintenance de ces équipements

📍 Réaliser un jumeau numérique des bâtiments avec guidage GPS. La difficulté réside dans les interférences que l’on peut rencontrer indoor. Des expériences avec OuiMap sont en cours chez Gares& Connexions.


Dans les deux cas, les investissements et l’entretien sont assez coûteux. Je crois beaucoup dans les solutions d’orientation et de guidage que nous pouvons faire émerger grâce aux HandiTech Trophy. Rassembler les start-uppers et les chercheurs à l’occasion de ces trophées permet de passer le cap du proof of concept et d’aller plus vite pour développer les solutions en adressant le sujet sur l’ensemble des pans de vie d’un individu ayant un handicap (transports, commerces, déplacements dans les espaces publics, etc).


Une autre possibilité est le choix de Gares&Connexions de lancer un appel à projet sur la base d’un cahier des charges avec un vrai commanditaire derrière. Ces concepts facilitateurs de la mobilité rencontrent souvent l’écueil de l’absence de réel commanditaire et de financement. »


👉🏻 Comment pourrions-nous anticiper les nouveaux cas d’usages liés à ces nouvelles technologies (exosquelette, digital, autres dispositifs…)

« Nous avons rencontré à Lyon une personne qui est équipée d’un exosquelette au lieu d’utiliser un fauteuil roulant. Ce cas d’usage est nouveau et amené à se développer. Cet exosquelette pose une colle pour rentrer dans une place de train classique. S’il est le seul aujourd’hui en France ou presque, nous sommes conscients que le coût de ce type d’équipement est amené à baisser et cet usage va se développer. Nous savons que nous n’allons pas résoudre son problème demain matin, mais nous prenons ce sujet au sérieux et allons le rencontrer d’ici la fin d’année pour étudier les solutions possibles en matière d’aménagement intérieur de train.


En allant en gare, sur le terrain, à la rencontre de ces clients, nous trouvons souvent des solutions meilleures et plus rapidement.


Nous avons une demande récurrente, qui prendra de l’ampleur dans les années à venir et que nous ne savons pas résoudre aujourd’hui : les vélos adaptés aux handicaps (vélos adaptés aux handicaps type tandems, handbikes, tricycles, vélo cargo, etc…). La SNCF s’investit beaucoup dans la politique vélo et nous avons obligation d’accepter un certain nombre de vélos dans les trains. Nous avons pour ambition de traiter rapidement ce sujet pour intégrer la mobilité douce des personnes en situation de handicap. »


👉🏻 Quelles sont les croyances à transformer dans les entreprises en France, pas que chez SNCF, sur le handicap et qui nous permettraient de mieux l’intégrer au quotidien ? Comment faire du handicap une complémentarité et pas une différence ?

« On peut considérer que chaque personne va apporter sa singularité dans la manière de travailler en équipe. On pense souvent aux contraintes liées aux handicaps, mais rarement à ce que la personne va donner comme solution qu’elle a trouvée et qui pourrait faciliter le quotidien de tous. Par exemple, sur une appli, une astuce pour faire moins de clics. Le handicap permet de trouver des solutions auxquelles on avait pas pensé et qui améliorent la qualité de vie au travail de tous et un meilleur partage d’informations. Arrêtons de nous faire des nœuds au cerveau en nous disant que ça va être compliqué, qu’un handicap générera des absences ou une moindre efficacité. Le télétravail généralisé à 2-3 jours par semaine est également profitable à tous et facilite le quotidien des personnes en situation de handicap. »


👉🏻 Quelles sont tes convictions sur la façon dont nous devrions aborder handicap et mobilité demain ?

« Tout ce que l’on fait pour la prise en charge des personnes en situation de handicap aujourd’hui profite à tous. Par exemple, dans un train sur les sièges, il y a des poignées contrastées, des points d’accroche qui au final facilitent à tous le passage dans la rame. Ces poignées sont des dispositifs initialement conçus pour répondre à un handicap. Les ascenseurs dans nos gares profitent également à tous. Ces solutions fluidifient les trajets et l’information de tous nos voyageurs, c’est toute la population qui en profite.


Dans cette expérience professionnelle sur le sujet du handicap, l’animal-totem choisi par Laetitia Monrond est le chien-guide. « Plus que la technique, ce qui est important vis-à-vis de nos clients en général, c’est l’écoute, le conseil, l’assistance, l’inclusion, l’autonomie et le service. Le chien guide et le chien d’assistance répondent à ces différents besoins. C’est un animal facilitateur et même médiateur pour beaucoup de personnes. Jusqu’à récemment quand on parlait de chien-guide on pensait aux malvoyants, désormais ils sont également de véritables assistants pour aller chercher un objet, aider les personnes en difficulté pour communiquer comme c’est le cas dans l’autisme par exemple. »


Que nous apprend le chien-guide / chien d'assistance ?


🐕‍🦺 Trait d’union : sociabilisé avec l’humain dès sa naissance, le chien guide et le chien d’assistance deviennent un véritable trait d’union, médiateur pour toutes les personnes dont l’un des sens, la motricité ou certaines capacités cognitives ou mentales fait défaut. Face au handicap, quel qu’il soit, comment vous positionnez-vous ? Le chien est éduqué pour faire corps avec son maître et devenir son prolongement. La complémentarité et la connexion sont fortes. Comment vous connectez-vous à celui qui a un handicap (sans forcément être handicapé, comme on l’a vu précédemment) ?


🐕‍🦺 Réassurance : La simple présence du chien permet par son comportement de prévenir un obstacle, une situation anormale ou de confirmer que tout va bien. Il prévient les dangers, alerte, confirme une information et interagit en permanence avec son maître. Aucune solution de prise en charge ne fera mieux l’affaire que le lien, la relation avec l’animal, avec d’autres personnes. Comment abordez-vous le sujet du handicap ? Sous l’angle de la solution technique ou sous l’angle du lien à l’autre, de la simple présence, du questionnement et de l’écoute ?


🐕‍🦺 Générateur d’autonomie : en réalisant tout un tas de tâches plus ou moins complexes, l’animal donne accès à un nouveau champ des possibles. Du regard il questionne son maître, il observe ses réactions et va adapter son comportement, ses actions en conséquence, sans avoir besoin de la parole. Comment favorisez-vous l’autonomie de tous vos collaborateurs, qu’ils aient un handicap ou non ? Que dit votre communication verbale et non verbale ?

Comment devenez-vous des facilitateurs, uniquement en cas de besoin ? Quand vous abordez une personne en situation de handicap avec son animal, à qui vous adressez-vous en premier (ne serait-ce que du regard) ?


👉🏻 Un mot pour la fin pour toutes celles et ceux qui se sentent aujourd’hui démunis face au sujet ?

« En dehors des handicaps cognitifs et mentaux, je pense qu’il faut avant tout demander à la personne ce dont elle a besoin. Adressez-vous directement à la personne concernée, il n’y a pas de tabou. Et il est nécessaire d’entendre qu’une personne ne souhaitant pas être aidée ne doit pas se voir imposer une assistance. Dans les entreprises, il existe des correspondants handicap & emploi qui peuvent également venir en aider pour l’adaptation des postes de travail.

Dans le cas de handicaps mentaux et cognitifs, au quotidien cela peut passer inaperçu et la personne ne parlera pas forcément de ces difficultés. Dans ce cas, je conseille de trouver des ressources extérieures pour réussir à communiquer avec la personne.

De nombreuses personnes ne déclarent pas forcément leur handicap et se retrouvent en difficulté. Leur manager est alors dans l’incompréhension et l’incapacité d’aider ce collaborateur.

Ma conviction est que traiter le sujet du handicap est profitable à tous. 🐕‍🦺»

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💡 Pour en savoir plus sur les HandiTech Trophy, rendez-vous sur le site dédié, concernant les dispositifs mis en place au sein du groupe SNCF, rendez-vous sur notre site.



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